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Je suis handicapée et j’ai vécu les inondations du 15 juillet 2021.

Ce texte a été écrit quelques jours après les inondations de juillet 2021, en Belgique. Je l’avais posté à la base sur mon compte Facebook mais j’ai eu envie de le repartager ici, presque deux ans plus tard.

Ce matin-là, mes parents devaient passer chercher mon décodeur dans la matinée. J’étais en plein déménagement pour un appartement accessible à moi et mon fauteuil roulant, alors quand mes chats sont venu se faufiler sous ma couette, rien de bizarre. Ils ont vite peur. Mais impossible de me rendormir et les chats étaient spécialement stressé alors je les ai caressé gentiment. Je me retourne et ouvre doucement les yeux. Quelque chose cloche. Pourquoi mon verre, normalement par terre, est-il en hauteur ? Je tends un bras et… c’est mouillé ? Je remarque alors mes chaussures qui flottent sur l’eau !

Je me redressais d’un coup et je prends conscience de ce qu’il se passe. Mon petit appartement du rez-de-chaussée à Tilff est inondé ! Comment est-ce possible ? Oui j’habite près de l’eau mais ce n’est jamais arrivé avant. Peut importe, je dois agir. Mon lit, abritant un coffre en dessous s’est soulevé avec le poids des caisses en plastique qui flottent. Les chats sont sous la couette. J’appelle mes parents à voix haute, ma tablette est sous l’eau et je remarque que l’eau monte. Je dois bouger. Je suis toute seule, sans moyen de contacter qui que ce soit et je n’entends pas et me déplace difficilement.

Je n’ai aucune envie de devoir mettre mes pieds dans cette eau mais je dois le faire. J’essaye de me redresser pour me mettre dans mon fauteuil mais je glisse. Heureusement mes chaussures sont devant moi et flotte alors je les mets rapidement.

Première constatation : l’eau est froide. Pas glacée mais assez pour que moi et mes problèmes de santé ont ne tienne pas longtemps dedans.

Deuxième constatation : je vais devoir mettre mon fauteuil roulant,normalement électrique, en manuel. Je le fais et l’eau me monte au nombril. Et surtout, en avançant comme je peux, mon fauteuil bascule en arrière. Merci les petites roues arrières de m’avoir soutenue !!!

Je sors de la chambre et la, sous mes yeux, mon bon gros frigo se met à flotter. Je lache un « Putain de merde c’est pas vrai » et le pousse de toute mes affaires. Arrivée à la fenêtre, j’ouvre mon volet. Cauchemar.

Vous avez déjà vu Jumanji? Quand ils vont dans la maison et qu’il se met à pleuvoir ? Les portes finissent par craquer et les rues sont remplies d’un torrent d’eau. C’est ce que j’ai vu. La rue entière sous les eaux, trop rapide et effrayante. Merde je panique et je m’imagine mourir noyée. Je pleure, j’ai peur. C’est impossible ça ne peut juste pas arriver. Tout me semble tellement irréaliste et j’ai envie de me cacher dans un trou mais la réalité me fait face.

Je vais tenter la fenêtre donnant sur mon petit jardin. Je dois me lever, le lit à bouger. J’ouvre la fenêtre mais mon volet est fermé. J’ai peur d’être électrocutée si j’essaye d’utiliser le bouton. Tant pis, je tente et… rien. Bien sûr je m’y attendais. Alors je hurle de toute mes forces. « A l’aide, au secour, je vous en supplie aidez moi. » mais j’entends mal et j’ai beau pousser sur le volet il ne bouge pas. Je vois des taches d’eau marrons sur le volet blanc et j’arrache d’un geste désespéré ma moustiquaire tout en pleurant. Je prends la décision de m’agroupir ma terre, l’eau m’aide à tenir sans tomber et je sens du bout des doigts le bas du volet. Je tire et je tire et je manque de tomber. Bon sang, l’eau est froide et il fait très sombre.

Je me souviens alors que l’escalier menant à mes voisins du haut n’est pas si loin mais s’il y a du courant dans la plus petite rue où se trouve ma porte d’entrée. J’ai peur, je suis morte de peur et j’ai froid mais je retourne dans mon fauteuil et je roule péniblement jusque l’entrée. Je croise au passage ma poubelle et une de mes cravates Harry Potter qui flotte. J’ouvre la porte et un peu d’eau entre mais le courant est raisonnable. Je roule et je me tourne mais j’oublie le petit trottoir qui descend et je me retrouve à nager. Je ne sens pas bien mes pieds sur le dos et je ne suis pas bien grande. J’ai peur que le courant m’emporte.Je ne réfléchis pas et j’agrippe les boîtes aux lettres sur le mur et me tire. Bientôt j’ai mon dos contre le mur face aux escaliers mais les poubelles flottent et je dois les pousser pour parvenir à m’asseoir sur ceux-ci. J’ai perdu une chaussure qui flotte devant moi et je remarque du sang dans ma seconde chaussure.

Je lève les yeux et ma voisine est là. Elle m’embrasse le crâne, soulagée. J’ai des haut-le-cœur à cause du stress et de l’effort et je manque de vomir. Immédiatement je parle de mes chats mais je réalise qu’il est trop dangereux d’essayer d’aller les chercher.Il va falloir monter au deuxième étage, sur mes fesses, sur un escaliers en métal qui me griffe, moi qui suit en culotte et en petit top pour dormir. C’est dur et j’ai peur mais doucement nous montons. Je vois des gens a leurs fenêtres en face de nous.

Une fois en haut, je me redresse et ma voisine m’invite chez elle, m’installe sur le canapé et m’enveloppe d’une couverture. Elle me prête aussi des vêtements et j’essaye de me réchauffer. Elle téléphone à ma maman pour la prévenir que je vais bien. Mon père est en route. Les pompiers vont venir me chercher quand ils pourront. Alors je pleure et je pleure. De peur, pour moi car j’ai bien cru que j’allais être bloquée, pour mes chats, toujours dans l’appartement, pour mes parents qui ont du avoir si peur. Je tremble et des horribles images me viennent en tête, des choses que je n’oserais même pas écrire ici. J’ai peur que l’eau monte jusqu’à nous.

Il faudra une heure aux pompiers pour traverser les quelques mètres séparant la route, plus en hauteur, et la rue avec ma porte et l’escalier. Tout ça car le courant est fort et que c’est très dangereux. Je demande au pompier devant moi pour mes chats mais il me rassure que les chats sont malins et que ça va aller pour eux. Je descendrais les escaliers sur les fesses doucement avec un pompier devant moi et ma voisine dans mon dos. En bas il y a un petit bateau rouge, dans un espèce de plastique très solide. Au milieu il y a de l’eau et j’ai peur. C’est normal qu’il y ait de l’eau au milieu ? Un pompier me porte et me fait passer au dessus de l’escalier et un deuxième m’attrape et me pose dans le bateau. Je dois m’asseoir à genoux, au milieu dans l’eau. Je grelotte mais je me tais. Malgré mon handicap auditif, on arrive à se comprendre et j’attrape le bras du pompier devant moi car j’ai peur. Nous sommes 3 dans le bateau. Deux pompiers et moi. Trois autres pompiers sont dans l’eau, accrochés au bateau avec les bras au dessus du bord. J’espère que ça va aller vite car j’ai peur et j’ai froid. J’ai une pensée pour mon fauteuil roulant en passant devant ma porte, à présent fermée. Il a du être emmené par le courant.

En quelques minutes, nous touchons la route. Je vois mon père. Le pompier devant moi me porte et j’attrape la main de mon père en pleurant. Je lui parle de mes chats quasiment directement.

Sur la route pour rentrer chez mes parents, tout près de mon appartement, je vois des familles se promener dans le parc avec leurs enfants et leur chien. J’ai envie de leur hurler au visage, crier que des gens ont tout perdu, ont peur, sont disparus et que mes chats sont coincés dans mon appartement sans moi. Je me déteste de les avoir laisser la. A la maison, j’enlace ma mère en pleurant et je parle de mes bébés. Si vous aimez vos animaux comme j’aime les miens, vous comprendrez la douleur que je ressentais alors.

J’ai plus plusieurs calmants sur la journée pour essayer de m’apaiser. J’aimerais mettre mon cerveau sur off pour qu’il arrête de me montrer des images horribles. Il est 13 heure. Le temps s’est écoulé d’une drôle de façon. Ça m’a semblé très rapide. Il n’était que 9h30 quand je suis arrivée chez la voisine. Maintenant viens l’angoisse.

Je suis en sécurité, me répète on. Oui mais pas mes chats. Ils ont juste deux ans et ils viennent tout les deux d’un refuge et je les aime de tout mon cœur. J’ai échoué dans mon job de maman chat, je devais les protéger et ils sont seul, effrayé et peut-être juste… mort. J’ai mal physiquement même si jr n’ai aucune grosse blessure. J’ai mal à la main, j’ai du me prendre un doigt dans quelque chose, j’ai quelques bleues et des égratignures. Je sais que je suis chanceuse mais rien n’importe. On dit que quand un être cher vous manque, tout est dépeuplé. Oui, plus n’importe hormis les chats. Je passe la nuit chez mes parents et je garde la main de ma maman dans la mienne jusqu’à ce qu’elle s’endorme et se retourne.

On doit récupérer mon nouveau frigo dans mon nouvel appartement. Papa est allé voir hier soir et ce matin si on pouvait aller récupérer les chats. Même ma sœur et mon beau-frère y sont allés mais non c’est trop dangereux. Vers midi, papa y retourne car l’eau a déjà bien baissé. Le réseau est instable et on arrive pas a le joindre. Le frigo est là alors on décide de rentrer et je supplie maman pour qu’on aille voir pour les chats. Papa appelle , maman se gare le long de la route et je me cache les yeux. Je ne veux pas lire sur le regard de ma maman qu’ils ne sont plus…. Mais je lance un coup d’œil et je comprends « Tu les a? Il les a! ». Le poids du monde s’échappe de mes épaules et une joie immense, sans nom, s’empare de tout mon corps. Je pleure, je crie, je suis presque hystérique mais je m’en fiche. Ils vont bien ! Ils sont en vie ! Maman se retourne et je vois une camionnette derrière nous. C’est eux ! C’est eux !

Ils m’aident à marcher jusque la voiture et maman me dit de me calmer un peu. Je souffle et je respire et puis papa ou maman je ne fais même plus attention, ouvre doucement la porte. Il y a deux boîtes de transport pour chat, celles qui étaient dans mon living. Je vois d’abord la petite bouille mouillée de Sylvanas et je pleure de nouveau en lui répétant que tout va bien aller, que je l’aime si fort. Je m’abaisse pour voir l’autre boite et Legolas est assis, l’air pas très rassuré. C’est un chat d’ordinaire tout blanc mais il a des petites taches de boues. Peut importe! C’est le plus beau chat du monde. Tout va bien, on est réunis. Ça va aller.

Cette expérience fut traumatisante. Cette nuit je me suis réveillée en sursaut en posant ma main sur ma couette, froide. J’ai cru que c’était de l’eau. En réalité j’ai eu la vision de l’eau sombre qui bouge légèrement à côté de mon lit. Les chats et moi, on est plus les mêmes qu’avant, ça nous a changé. Comme ils ont été courageux mes chats, comme ils sont fort. La culpabilité de les avoir laisser ne s’envole pas mais ça va mieux. Je sais que je suis chanceuse dans cette tragédie. Je suis entière, mes chats vont bien et la plupart de mes affaires avaient déjà été déménagée. Heureusement certaines boites en plastique ont flottés et tout est intact a l’intérieur. J’ai une pensée pour ceux qui ne sont pas aussi chanceux, j’espère que les choses vont s’arranger pour eux mais pour le moment, il me faut prendre un peu de repos, dans ce nouvel appartement avec mes petits chats que j’aime tant. Pour nous, tout est bien qui finis bien.

Merci à Justine de m’avoir accueillie chez elle, m’avoir soutenue, merci aux voisins et voisines pour avoir appeler les pompiers, aux pompiers de m’avoir sortie de la, a mes parents d’avoir et d’être toujours là pour moi et les chats, à ma sœur et mon beau-frère pour s’être inquiétés et m’avoir aidés pour les chats, à mon frère et ma belle sœur pour leur soutiens et à tous les gens qui m’ont aidés et on demander de mes nouvelles. Et puis aux chats d’avoir été fort et de m’avoir attendu.

J’ai écris ce texte pour exprimer ce que je ressentais mais aussi pour vous montrer ce qu’une personne handicapée peut vivre dans un moment pareil. Le post est en public donc partagez le si vous le souhaitez.

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